Recouvert d’une cape épaisse munie d’un capuchon, Priam leva les yeux pour examiner le ciel une dernière fois avant de prendre la route sur le dos de son destrier. Le temps des terres d’Ecosse lui faisait constamment regretter son pays natal à la météo plus clémente même aux approches de l’hiver. En cette contrée forte éloignée du Pays de Galles, un froid mordant s’était invité depuis plusieurs semaines et des pluies incessantes battaient constamment le sol et les fenêtres du château de Hogwarts de leurs assauts violents. Le jeune Malfoy guettait sans cesse les nuages en quête d’un répit, à défaut d’une éclaircie. Il n’avait pas le choix, il devait se rendre à l’Enclume et la Baguette, la petite forge situé à Hogsmeade : la lame de son épée était émoussée par endroit et son armure s’était vue affubler de quelques cabosses qu’il fallait redresser. Les gouttes d’eau se firent plus lentes et plus éparses, le rideau de pluie s’était finalement levé, mais pour combien de temps ? D’un coup de talon, Priam lança son cheval sur la route.

Son entrée dans le petit village sorcier ne fut pas discret, les sabots de son cheval frappant le sol humide avec fracas. Les éclaboussures de la terre devenue boue avaient parsemé le poitrail de l’équidé de fines taches brunâtres. Le jeune seigneur mit pied à terre devant le petit atelier du forgeron qui vint à sa rencontre. Quelques paroles plus tard, Priam laissa épée et armure entre les mains expertes de l’artisan avant de rejoindre son compagnon de voyage. Il caressa le chanfrein de l’animal, réfléchissant à ce qu’il allait faire en attendant que l’homme termine son travail. Levant une nouvelle fois les yeux au ciel, ce qu’il y vit ne lui plut guère : les nuages menaçaient de lâcher de nouvelles trombes de pluie. Cependant, après avoir balayé les alentours d’un regard indécis, il chaussa l’étrier et se remit en selle. A quelques mètres de lui, la sortie du village et une plaine vallonnée qui ne demandait qu’à être foulée des sabots conquérants d’un cheval de seigneur. Au diable la pluie imminente.

Priam ne se sentait jamais aussi libre et puissant que lorsqu’il était sur le dos de son fidèle destrier. Nul ne pouvait l’arrêter, nul n’avait emprise sur lui et le monde semblait à sa portée. Des gouttes d’eau frappèrent son visage tandis qu’il galopait, encore et encore, demandant toujours plus à son cheval. Après une demi-heure de cavalcade infernale, l’héritier du Pays de Galles calma sa monture et lui permit de reprendre un souffle plus régulier. La pluie devenait plus forte à chaque instant et il devenait urgent de s’abriter, le temps d’une accalmie. Rebroussant chemin, Priam se trouva vite aux abords du village. Le torrent descendu du ciel ralentit sa course, et finalement, le déluge cessa. Le jeune sorcier soupira, ce ciel d’Ecosse ne pouvait-il se décider du temps qu’il faisait ? Mais à présent à quelques foulées de l’entrée du village, il décida de démonter et d’attacher son cheval à un arbre dénudé à cette période de l’année. Contemplant la plaine, un sentiment de quiétude l’emplit et il songea que c’était un moment et un lieu propice pour s’exercer à l’Occlumancie. Face à ce paysage serein malgré la pluie qui l’assaillait depuis des semaines, Priam ferma les yeux et vida son esprit de toute pensée et de toute émotion. Il sentait l’état second s’emparer peu à peu de lui. Il lui faudrait ouvrir les yeux bientôt, et habituer son esprit à rester sous contrôle malgré les multiples informations que lui donnerait sa vue et qui provoquerait une inévitable envie de se remémorer des événements similaires, qui lui feraient penser alors à d’autres, par voie d’association d’idées. Mais alors qu’il allait tenter de maîtriser son esprit avec les yeux ouverts, une voix derrière lui le sortit de sa torpeur.

« Levicorpus ! »

Priam n’eut pas le temps de comprendre ce qu’il se passait : un pouvoir venu de nulle part le saisi par les chevilles, et le jeune Malfoy se retrouva la tête à l’envers, suspendu dans les airs. Accusant le coup et le sang qui lui montait déjà à la tête, il mit quelques instants à recouvrer une vue claire. Face à lui, baguette en main, une jeune fille brune arborait un sourire satisfait et un regard moqueur.

« Attaque par derrière… pourquoi cela n’est guère étonnant de la part d’une Black ? ».

Un air goguenard avait pris la place de la mine surprise que Priam avait exhibé quelques secondes auparavant.

Outrée par ce qu’elle venait de vivre, Mellony errait dans environs d’Hogsmeade. Elle venait de se faire durement jeter par la taverne de la Tête de Sanglier. Elle avait pourtant vérifié, cet endroit n’était pas interdit aux élèves de Hogwarts. Seulement, quand tous ses camarades de classe préférait les Trois Balais, la jeune Black quand à elle, aimait boire une chope de Bierraubeurre seule dans un endroit déconseillé. Peu importe, il n’avait le droit de la traiter comme ils venaient de le faire. Cette taverne n’était pas conseillée pour une enfant et encore moins pour une Lady. Ca ne l’importait peu de soigner son image. Qui donc pouvait s’intéresser à ce qu’on pense d’elle autre qu’elle-même ? Personne. La voilà exilée de cette taverne poussiéreuse et étrange. A ce moment là, tout ce qu’il lui restait à faire c’était de retourner au château, à l’école de magie. Elle n’en avait pas envie. Mellony adorait Hogwarts, mais ces derniers temps, elle ne pouvait plus supporter ceux qui y vivaient. Elle préféra rester dans les bois, entre la forêt et le sentier battu qui menait aux grandes portes.

Un bruit venant du ciel brisa le silence étouffant de Mellony. Cette dernière leva la tête et remarqua que les nuages s’assombrissaient. La pluie allait tomber. La pluie tombait toujours. Traînant dans les bois, qui plus est dans la terre boueuse. Elle allait une fois de plus rentrer dans sa salle commune telle une sauvageonne. Les premières gouttes tombaient, et la Lady n’eut d’autre choix que de retourner au château. Aussi téméraire soit-elle, elle ne pouvait braver la nature. Des pas de sabots se faisaient entendre. Un cheval au galop. Cachée derrière un arbre, elle vit un individu parcourir la forêt sur sa monture. De sa chevelure blonde, elle reconnut aisément son ami Priam. Un rictus s’afficha sur ses lèvres tandis qu’elle commença à parcourir la forêt à pied. Nul ne pouvait égaler un cheval, elle gardait tout de même l’espoir qu’elle pouvait le rattraper. Discrète, ses pas étaient aussi légers que l’air. Elle n’avait même pas eu besoin de lancer un sortilège d’apesanteur tant elle était agile et rapide dans ses mouvements. Essoufflée, elle s’arrêta un bref instant pour récupérer son souffle. C’était tellement dommage que son destrier ne soit pas avec elle se disait-elle. Voyant le cheval s’éloignait, devenant plus petit, elle plissa les yeux et se remit à courir.

Une vingtaine de minutes s’étaient écoulés depuis la dernière fois qu’elle avait aperçu Priam sur sa monture. Mellony avait pris beaucoup de temps pour venir jusqu’à lui. Son souffle était coupé. Les mains sur les genoux, la respiration haletante. Elle poussa quelques branches et elle aperçut son ami en pleine méditation. En sourire en coin vient se placer sur ses lèvres et la Black dégaina sa baguette qu’elle pointa sur le Malfoy. Elle inspira légèrement et elle donna un coup sec dans l’air. « Levicorpus ! » S’exclama-t-elle en sortant de sa cachète. Priam se retrouva la tête à l’envers et les jambes en l’air. Elle esquissa un sourire moqueur en admirant son travail. Le blondinet ne comprenait rien à ce qu’il lui arrivait, ce qui faisait beaucoup plus rire Mellony. Il réussit néanmoins à reconnaître la jeune fille. « Attaque par derrière… pourquoi cela n’est guère étonnant de la part d’une Black ? » Elle le regarda en inclinant légèrement la tête sur le côté et elle pointa à nouveau sa baguette sur lui. « Finite. » Le sortilège s’estompa et Priam tomba la tête la première sur le sol. Elle s’esclaffa de rire devant la chute de son ami. « N’est-ce donc pas les Malfoy qui mettent des coups de poignard dans le dos, hm ? » Le questionna-t-elle de manière rhétorique. Elle n’attendait aucune réponse de sa part, mais venant de lui, il allait forcément répondre puisqu’il cherchait toujours le dernier mot. « Est-ce moi ou tu viens de te faire botter le train par une fille ? » Mellony étouffa son rire, elle ne pouvait se permettre d’esclaffer son humiliation devant lui.